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Cors et coqs
#1
Citation :Le Seigneur des Nazgûl pénétra à cheval dans la ville. Grande forme noire détachée sur les feux qui brûlaient derrière elle, sa stature devenait une immense menace de désespoir. Le Seigneur des Nazgûl passa ainsi sous la voûte que nul ennemi n'avait franchie, et tous fuirent devant sa face.
Tous sauf un. Attendant là, silencieux et immobile dans l'espace précédant la Porte, se tenait Gandalf monté sur Gripoil : Gripoil qui, seul parmi les chevaux libres, affrontait la terreur sans broncher, aussi ferme qu'une image taillée dans Rath Dínen.
"Vous ne pouvez entrer ici, dit Gandalf - et l'ombre énorme s'arrêta. Retournez à l'abîme préparé pour vous ! Retournez ! Tombez dans le néant qui vous attend, vous et votre Maître. Allez !"
Le Cavalier Noir rejeta son capuchon en arrière, et voilà qu'il portait une couronne royale ! Mais elle n'était posée sur aucune tête visible. Les feux rouges brillaient entre elle et les larges et sombres épaules enveloppées dans le manteau. D'une bouche invisible sortit un rire sépulcral.
"Vieux fou ! dit-il. Vieux fou ! Mon heure est venue. Ne reconnais-tu pas la Mort quand tu la vois? Meurs maintenant et maudis en vain !" Sur quoi il leva haut son épée, et des flammes descendirent le long de la lame.

Gandalf ne bougea pas. Et, au même moment, loin derrière dans quelque tour de la Cité, un coq chanta. Son chant était clair et aigu, insoucieux de toute sorcellerie et de toute guerre, saluant seulement le matin qui dans le ciel, bien au-dessus des ombres de la mort, venait avec l'aurore.
Et comme en réponse s'éleva dans le lointain une autre note. Des cors, des cors, des cors. L'écho se répercuta faiblement sur les flancs sombres du Mindolluin. De grands cors du Nord, sonnant furieusement. Le Rohan arrivait enfin.

Les cors et les coqs sont associés au moins une autre fois dans le livre.

Au moins dans "Un poignard dans le noir".

Le coq et les cors sont associés à une délivrance.

Il y a-t-il eu des études à ce sujet ?

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#2
Je ne suis pas certaine que l'on puisse associer "cors" et "coqs" à l'image commune de délivrance...
A mon sens, le chant du coq est tout simplement/traditionnellement associé au lever du soleil, comme c'est le cas dans les deux scènes en question (l'arrivée des Rohirrim sur les champs du Pelennor et l'attaque des Nazgûl en Comté contre Fatty Bolger). Mais il y a peut-être une autre signification derrière, en effet.
Quand aux cors, je ne suis pas tellement certaine que l'on puisse y associer aussi l'idée de délivrance, mais plutôt pourquoi pas une évocation du danger, de l'aide, de l'avertissement, de l'affirmation de soi (je pense aussi d'ailleurs aux bruits de cor de Merry dans la Comté à la fin du SdA).
Dans tous les cas, il est vrai qu'il est intéressant de voir que l'association coq/cors soit présente deux fois dans le roman je n'y avais jamais fait attention Smile.

Edit: à ma connaissance il n'y a pas d'étude spécifique sur le sujet, mais je suis loin d'être une référence en la matière Mr. Green
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#3
(23.05.2012, 19:06)GURTHANG a écrit : Il y a-t-il eu des études à ce sujet ?

T. A. Shippey, J.R.R. Tolkien: author of the century en parle très succinctement p. 214-216, abordant le symbolisme chrétien et les rapprochements mythologiques (en particulier Beowulf, Saxo Grammaticus). Il reprend en fait, me semble-t-il, ce qu'il en disant déjà dans The road to Middle-Earth.

Fleming Rutledge, The Battle for Middle-Earth: Tolkien's Divine Design in The Lord of the Rings, étudie ce passage p.282 sq. sur un angle uniquement chrétien - Mais c'est un ouvrage très orienté, de mon point de vue, à la limite du grand n'importe quoi par moment, sinon même de l'honnêteté intellectuelle... Par acquis de conscience, je précise que je ne l'ai pas en ma possession, mais une très large partie est lisible sur Google Books et en donne un aperçu qui suffit largement à s'en faire une idée... (Je recommande l'interprétation p. 69 des pommes évoquées par Sam lors de la rencontre avec Gildor : un beau moment de délire planant où l'on a tout du banquet messianique à la réminiscence du jardin d'Eden).

Didier.
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#4
(24.05.2012, 05:28)Hisweloke a écrit : Fleming Rutledge, The Battle for Middle-Earth: Tolkien's Divine Design in The Lord of the Rings, étudie ce passage p.282 sq. sur un angle uniquement chrétien - Mais c'est un ouvrage très orienté, de mon point de vue, à la limite du grand n'importe quoi par moment, sinon même de l'honnêteté intellectuelle... Par acquis de conscience, je précise que je ne l'ai pas en ma possession, mais une très large partie est lisible sur Google Books et en donne un aperçu qui suffit largement à s'en faire une idée... (Je recommande l'interprétation p. 69 des pommes évoquées par Sam lors de la rencontre avec Gildor : un beau moment de délire planant où l'on a tout du banquet messianique à la réminiscence du jardin d'Eden).

Je me suis permis de traduire (rapidement) en français ta recommandation... Wink

Dans "The Battle for Middle-Earth: Tolkiens Divine Design in The Lord of the Rings", p.69, Fleming Rutledge a écrit :Des Elfes de Rivendell (Fondcombe), menés par Gildor Inglorion de la Maison de Finarfin, la plus noble des lignées des Hauts-Elfes, apparaissent d'abord dans une exquise scène illuminée par les étoiles, où ils protègent les pèlerins hobbits des Cavaliers [Noirs] et leur permettent de participer à l'un de leurs festins somptueux. C'est l'un des nombreux épisodes de la saga qui suggèrent le banquet messianique dans le Royaume de Dieu. Nous ne voulons certainement pas penser à une analogie directe entre les banquets des Elfes et l'Eucharistie (un moment véritablement eucharistique aura lieu plus tard), mais il s'agit certainement là d'une allusion à l'Âge messianique. Sam est celui qui est habilité à appréhender cette corrélation entre la communauté elfique et l'unique et futur but [ou dessein ?] de Dieu, bien qu'il se trouve au-delà de la transmission sonore ou visuelle :

"Sam ne put jamais décrire par des mots ni se représenter nettement à lui-même ce qu'il sentit ou pensa cette nuit-là, bien que cela demeurât dans sa mémoire comme un des événements majeurs de son existence.
Le plus près qu'il parvint fut de dire :
- Eh bien, monsieur, si j'étais capable de faire pousser des pommes semblables, je m'appellerais un jardinier. Mais c'est le chant qui m'est allé au cœur, si vous voyez ce que je veux dire."
[Fellowship, Livre I, Chapitre III]

Il est à noter que Sam choisit les pommes pour une mention particulière. Ce peut être un indice que les Elfes transportent avec eux le souvenir du Jardin d'Eden dans son état primitif, incarnant l'espoir et la nostalgie du monde pour sa rédemption [ou son rachat ?] du serpent. Le chant des Elfes suggère sûrement un lien avec le monde transcendant. Peut-être il n'est pas trop exagéré de rappeler que, dans l'Evangile de Jean, le Christ ressuscité vient à Marie-Madeleine sous la forme d'un jardinier. L'iconographie chrétienne a dépeint cette apparition du Christ comme une restauration de l'Eden et de la nature. L'amour bien connu de Tolkien du monde naturel reflète cet espoir.

À mes yeux également, et à lire ce simple extrait, il est clair que l'on a affaire, avec la révérende Fleming Rutledge (qui est une théologienne épiscopalienne américaine, d'après ce que j'ai compris), à une lecture effectivement très orientée de l'œuvre de J.R.R. Tolkien...
Ce n'est pas une critique, mais juste un constat... Wink

Amicalement,

Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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#5
Et les notes de bas de page sont pétillantes aussi Wink
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#6
bonjour, alors pour le rapport entre coqs et cors je ne sais pas, mais ne peut-ton pas tout simplement assimiler le cor à un son de défi, à une provocation avant le combat (je ne sais pas si vous connaitre la Grande guerre des Dieux de David Eddings, mais lors de la bataille de Vo Mimbre c'est principalement ça le rôle des cors) comme dans les histoires de chevaliers style Chrétien de Troyes si je me souvient bien.
ensuite pour le coq, à mon avis c'est surtout associé au matin et donc à la naissance de l'espoir et du jour (donc Bien, la lumière lui étant associée), cf la bataille du gouffre de Helm (je ne sais plus si la fameuse phrase d'Aragorn à ce sujet n'est que dans le film ou pas)
Bref l'association des deux annonce surtout à mon avis un réveil des forces du Bien vers un combat périlleux.

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#7
Je suis d'un avis à peu près égal à celui de ptit du nord : je ne pense pas qu'il y est vraiment de grande "connexion" entre les cors et les coqs, les deux annoncent juste l'espoir.
Ce sont, je pense, deux sons qui expriment bien le fait que le vent tourne dans le sens que le coq annonce la venue du jour et que le cor prévient de l'arrivée de renforts.
Or, même si ce n'est pas forcément toujours le cas (pour les Elfes notamment) la nuit est majoritairement associée à un danger, une aide pour les Forces du Mal ou au moins un handicap puisqu'il fait sombre. Par conséquent le retour du jour et de la lumière est bienvenu (l'aube au Gouffre de Helm, les étoiles de Cuiviénen etc...) et donc le coq qui l'annonce est souvent évoqué.

Même chose pour les cors, en plus du fait que certains comme le cor de Merry soient enchantés, les cors portent la nouvelle des alliés qui arrivent et donc d'un retour de l'espérance et d'un retournement de la bataille.
Personnellement je les verrai donc associés juste parce qu'ils évoquent les mêmes choses Smile

Aurë entuluyva !
Le jour reviendra !
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#8
Me revient en mémoire une référence : Les Cors de l'Espérance, de Stratford Caldecott, un essai paru avec deux autres dans Tolkien, Faërie et Christianisme, aux éditions Ad Solem en 2003. J'ai ce bouquin, mais il est au fin fond d'un carton de déménagement et sa lecture remonte à très loin. Je crois cependant me souvenir qu'il prend comme point de départ les cors du Rohan au petit matin, et il n'a sans doute pas laissé passé la co-incidence avec le chant du coq.

A.
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#9
Salut la Compagnie,

Toujours au registre des références bibliographiques, on peut également citer l'article de Valérie Naudet, "Voix de cors. De la Chanson de Roland au Seigneur des Anneaux", publié en 2007 dans les Actes du colloque du CRELID : Fantasy, le merveilleux médiéval aujourd'hui.

Après un rapide survol, je n'ai pas l'impression que l'association cor/coq soit abordée, mais je pense que sa lecture peut néanmoins s'avérer utile pour saisir les enjeux associés à cet instrument, à la fois "manifestation extérieure de [l'] orgueil [des guerriers] qui leur permet d'affronter tous les dangers au mépris de leur vie et [...] clé du chemin intérieur qui les conduira à l'expiation" (p. 41) Wink

EDIT : je viens de me rendre compte que cet article est disponible sur Tolkiendil Smile
L'enfant ignorant qui se fait un jeu des exploits de son père ne croit pas se moquer, mais pense qu'il est le fils de son père
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#10
bonjour, je déterre un peu le sujet, mais je suis en train de lire l'article La lutte de la vie contre la mort dans Tolkien : sur les rivages de la Terre du Milieu.
Dans le premier paragraphe, Nature et lumière, l'auteur parle de tout les signes du bien et de la nature, soleil, lune, lumière... et comme dis plus haut, le chant du coq annonçant la venue du jour se place dans les signes de la naissance du bien mais aucun lien n'est fait avec le cor, enfin pour l'instant dans ma lecture.
l'association cor coq est donc juste l'association de 2 signes annonçant pour l'un le combat éminent et pour l'autre l'espoir

bon c'est une petite intervention mais il me semblait que le texte dont je parle trouve bien sa place ici
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