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Tolkien et Wagner
#1
Bonjour,
Je trouve qu'il y a des similitudes entres le Seigneur des Anneaux et le cycle des Nibelungen de Richard Wagner.
On dit souvent que Tolkien et Wagner ont puisé dans les mêmes sources, ce qui explique les points communs.
J'ai vu les opéras de Wagner (L'Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried, Le Crépuscule des Dieux), mais je n'ai pas lu les sources mythologiques dont ils sont inspirés.

Voici les points communs qui m'ont frappé :

L'Or du Rhin, scène 1
Alberich découvre et s'empare de l'Or tout-puissant, qui gît au fond du grand fleuve depuis des temps sans mémoire.

De même que Déagol découvre l'Anneau de puissance qui gisait au fond du fleuve Anduin depuis des temps oubliés.


L'Or du Rhin, scène 4
Les frères Fasolt et Fafner obtiennent de Wotan l'anneau.
Aussitôt Fasolt en possession de l'anneau, Fafner le lui réclame. Devant son refus, Fafner tue son frère Fasolt pour s'emparer de l'anneau.

De même, aussitôt Déagol en possession de l'anneau, son ami Sméagol le lui réclame. Et devant son refus, Sméagol tue Déagol pour s'emparer de l'anneau.


Siegfried acte 1 scène 1
Fafner est devenu dragon et dort depuis des années sur le trésor forgé par les Nibelungen dans leur royaume souterrain.

Cela rappelle Smaug, qui dort sous la montagne sur le trésor des nains.

En outre, Fafner conserve également l'anneau dans son antre depuis tout ce temps, tel gollum dans sa caverne.


Outre ces ressemblances, il y a des thèmes similaires : chez Wagner comme chez Tolkien, l'anneau n'est pas seulement un anneau apportant la richesse, c'est un anneau de Pouvoir .

L'Or du Rhin, scène 1 :
Tout l'héritage du monde revient
à celui qui, de l'or du Rhin, forge l'anneau
qui lui donne la puissance sans bornes


En parallèle, l'anneau n'est pas seulement frappé par une malédiction : il est nécessaire, pour pouvoir s'en servir, de devenir fondamentalement mauvais :

Celui seul qui renierait les lois de l'Amour
en bannirait la joie,
pourrait contraindre par un charme,
l'Anneau à sortir de l'Or.
Nous sommes sans nul souci :
car tout ce qui vit veut aimer;
nul ne renie l'Amour.


De même que chez Tolkien, nul ne peut utiliser l'anneau pour faire le bien. Il est entièrement maléfique.


Je trouve qu'il y a aussi une réminiscence d'Alberich dans le personnage de Gollum quand il se met à suivre la Fraternité, seul et en secret. Dans Siegfried, Alberich est dans la même situation : seul et dépouillé de son trésor, il erre furtivement, guettant une occasion de récupérer son bien.

En revanche, chez Wagner, c'est un heaume magique qui rend invisible, et non l'anneau. Tous deux font partie du même trésor.

Trouve-t-on ces ressemblances ci-dessus dans des sources plus anciennes ? Ou bien sont-elles exclusivement présentes dans les opéras de Wagner ?
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#2
Les sources sont effectivement anciennes. Elles puisent dans le Niebelungenlind, le Chant des Niebelungen, et dans la légende de Sigurd dont on trouve trace dans l'Edda de Snorri ou la Völsunga Saga. Ces transcriptions remontent environ au XIIIème mais les légendes sont assurément plus anciennes. De ce point de vue, la grande différence entre Tolkien et Wagner est que celui-ci nous livre des versions très proches des anciens textes tandis que Tolkien recompose des éléments multiples issus de traditions diverses (anglo-saxonne, germanique, scandinave, chrétienne...) pour tisser sa propre histoire.
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
Là où l'espoir demeure, les eaux chantent sous la nuit
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#3
En complément, deux études (en anglais) s'intéressent particulièrement aux liens entre Tolkien et Wagner : voir ici la page de l'éditeur.

Je recommande volontiers le livre de Vink, d'excellente tenue. Je n'ai pas lu l'autre.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#4
(15.08.2018, 20:09)Faerestel a écrit : Les sources sont effectivement anciennes. Elles puisent dans le Niebelungenlind, le Chant des Niebelungen, et dans la légende de Sigurd dont on trouve trace dans l'Edda de Snorri ou la Völsunga Saga. Ces transcriptions remontent environ au XIIIème mais les légendes sont assurément plus anciennes. De ce point de vue, la grande différence entre Tolkien et Wagner est que celui-ci nous livre des versions très proches des anciens textes tandis que Tolkien recompose des éléments multiples issus de traditions diverses (anglo-saxonne, germanique, scandinave, chrétienne...) pour tisser sa propre histoire.

Il faut savoir que pour le cas de Wagner, il ne s'est inspiré que par la tradition norroise. Il ne connaissait cependant pas les textes islandais, mais des traductions de ces textes. La plus importante était celle de Paul-Henry Mallet, un français, qui est une source capitale pour la connaissance des textes. Tolkien de son côté, connaissait à fond la ''Völsunga saga'', déjà très jeune. Il était plus à même de savoir la valeur de l'adaptation de Wagner, excellente à mes yeux. Quand on voit ce qu'Ernest Reyer fit à la même époque en France avec son ''Sigurd'', on ne peut pas dire que Wagner était mauvais. J'ai toujours trouvé le jugement de valeur de Tolkien un peu exagéré à propos de Wagner. Selon moi, c'est l'un des meilleurs compositeurs que j'ai eu le plaisir d'écouter, et son adaptation est loin d'être mauvaise, en regard des textes originaux. Sur Wagner et ses sources d'inspirations pour ''Der Ring'', cf. Le remarquable livre ''Wagner and the Volsungs'', publié par la Viking Society for Northern Research, disponible gratuitement sur leur site Internet.
ᛘᛅᛚᚱᚢᚾᛅᚱ ᛋᚴᛅᛚᛏᚢ ᚴᚢᚾᛅ᛬
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#5
(15.08.2018, 19:11)Pio2001 a écrit : Je trouve qu'il y a aussi une réminiscence d'Alberich dans le personnage de Gollum quand il se met à suivre la Fraternité, seul et en secret. Dans Siegfried, Alberich est dans la même situation : seul et dépouillé de son trésor, il erre furtivement, guettant une occasion de récupérer son bien.

A noter aussi que Mime peut aussi évoquer Gollum, menant le héros à l'antre d'un monstre pour pouvoir lui voler fourbement le Trésor tant désiré. Si on veut vraiment pousser les choses au bout, on pourrait aussi voir une certaine ressemblance entre la désobéissance de Brünhilde à son père pour le bien de ce dernier et celle d'Eowyn, qui sauve son paternel de la dévoration (à défaut de le sauver de la mort).
Mais comme le dit Faerestel, le Seigneur des Anneaux est un peu plus cela, même s'il semble avoir davantage en commun que ne l'avoue Tolkien (qui disait que "les deux anneaux sont ronds et cela s'arrête là"...).



(16.08.2018, 08:50)Alkar a écrit : J'ai toujours trouvé le jugement de valeur de Tolkien un peu exagéré à propos de Wagner.

Hypothèse à vérifier et falsifier : le rejet de Wagner par Tolkien n'est-il pas explicable en partie par l'exaltation très XIXème de l'esprit allemand chez Wagner, que Tolkien décriait également chez un certain "petit rougeaud" ? Cette volonté d'exaltation nationaliste est assez manifeste dans son texte Was ist deutsch?, et tend peut-être à politiser un peu trop l'esprit du Nord à la vue de Tolkien.
Après, il doit y avoir aussi des questions simples d'appréciation esthétique (Wagner me plaît beaucoup en certains points mais n'est pas apprécié de tous).
A voir.
Doctus cŭm libro
― Proverbe latin
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#6
(16.08.2018, 08:50)Alkar a écrit : J'ai toujours trouvé le jugement de valeur de Tolkien un peu exagéré à propos de Wagner. Selon moi, c'est l'un des meilleurs compositeurs que j'ai eu le plaisir d'écouter, et son adaptation est loin d'être mauvaise, en regard des textes originaux.

En fait, le jugement de Tolkien sur Wagner était bien plus nuancé que ce qu'en disent la Biographie de Carpenter ou les Lettres, comme le souligne à juste titre Vink dans le livre précité.

Tolkien jeune détestait Wagner par principe et sans le connaître. Plus tard, les parallèles hasardeux des journalistes ont horripilé Tolkien, qui estimait visiblement qu'ils trahissaient un manque de culture et une vision étriquée des choses, qu'il s'agisse de Wagner, de la Bombe, de la Seconde guerre mondiale, etc.

En revanche, grâce à Lewis, Tolkien a eu l'occasion d'aller écouter la Tétralogie et Wagner est devenu l'un de ses compositeurs favoris, avec Sibelius.

(16.08.2018, 15:32)Dwayn a écrit : Hypothèse à vérifier et falsifier : le rejet de Wagner par Tolkien n'est-il pas explicable en partie par l'exaltation très XIXème de l'esprit allemand chez Wagner, que Tolkien décriait également chez un certain "petit rougeaud" ? Cette volonté d'exaltation nationaliste est assez manifeste dans son texte Was ist deutsch?, et tend peut-être à politiser un peu trop l'esprit du Nord à la vue de Tolkien.
Après, il doit y avoir aussi des questions simples d'appréciation esthétique (Wagner me plaît beaucoup en certains points mais n'est pas apprécié de tous).
A voir.

Comme indiqué, il n'y a justement pas rejet de Wagner chez Tolkien, au moins sur le plan esthétique. Et Tolkien est loin de rejeter l'esprit germanique ou le nationalisme tels qu'ils étaient vus par le XIXe siècle romantique. Bien au contraire, c'est ce qu'il n'a cessé de valoriser. Et ce contre quoi il s'élevait était précisément le dévoiement de l'un et de l'autre par le nazisme.
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