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La confrérie du Taste-Moût
#7
.oOo.

La présidente entama simultanément l’ordre du jour et une belle part de tourte :

- Mes chers amis ! - Scrunch - Je déclare ouverte la un-decante-et-unième diète plénière – Miam – de la Joyeuse Chevalerie du Taste-Moût ! Mmm ! Puissent nos papilles et nos esprits – Croc- ne jamais s’assoupir ! Je forme des vœux pour que le brassage qui s’annonce soit aussi riche que l’hiver précédent, et accompagne les divertissements les plus fins ! – Slurp, slurp, slurp, léchage de doigts pour n’en pas perdre une miette - Avant de soumettre à votre sagacité, le fruit des réflexions du consistoire, nous allons pour commencer vous faire lecture de nostre comput, que Maître Beaupécule ici présent, a eu l’obligeance de canabasser pour nous…

Une bonne rasade fit descendre cette copieuse entrée en matière.

Avec une courbette obséquieuse, le notaire chaussa ses lorgnons et se lança dans le détail des comptes – une longue, lente, minutieuse, exhaustive, méticuleuse, superfétatoire, pointilleuse et horripilante lecture par le menu des dépenses et recettes, ponctuée de temps à autres, par de laborieuses déglutitions d’eau ! Un comble ! L’auditoire sombra dans une lamentable léthargie. Seul le marchand Lamalteuse, impassible, semblait suivre avec attention le diligent déballage arithmétique.

Après la troisième digression méthodologique - qui concernait une astucieuse plus-value sur des arpents plantés de grenache – la présidente sentit que la cuisson de la salle arrivait à point. Elle interrompit le notaire sur un taux de change un peu technique et lança :

- Cher Maître Beaupécule ! Votre réputation d’exactitude n’est plus à faire ! Que diriez-vous de préserver votre salive pour exposer vos conclusions ?

Comme par hasard, une hure de sanglier rôtie fit son entrée, toute fumante sur son lit de petits oignons et champignons fricassés du bois de Chet.

- Voilà le péché mignon de notre notaire, chuchota Dufimbec à son cousin.

Et en effet, l’échevin expédia les conclusions, survola les réserves d’usage quant à la sincérité du comput, et concéda son quitus en humant les effluves du rôti. Lorsqu’un hanap de vin vermillon vint sublimer de ses reflets prometteurs, la venaison découpée sous ses yeux, le digne magistrat abandonna toute retenue et s’attabla… définitivement.

Pathelin cligna de l’œil à son cousin qui opina du chef :

- … l’avait donc ben des choses à s’faire pardonner dans l’abaque des Joyeux Chevaliers ?

Mais la Doyenne changeait de sujet au plus vite :

- Je cède à présent la parole à notre Connétable des Hautes Causes.

La jeune femme qui s'était jusqu'ici consacrée à noter les minutes des débats, leva vers l'assistance un visage attristé, comme un masque de théâtre savamment composé :

- Joyeux Chevaliers ! Il nous faut à présent évoquer une perte douloureuse ! L'un des nôtres, que nous considérions comme notre frère, un auteur prometteur au style heureux et alerte, nous a quittés !

- Quelqu'un est mort ? demanda Pathelin en aparté.

- Non ! souffla Dufimbec. Mais notre auteur favori, Maître Vessaim, s’est laissé séduire par une institution concurrente !

- Ah ben je l’connais, c’est le maréchal-ferrant !

- Oui-da, répondit Dufimbec en riant, et il est aussi Maréchal dans notre confrérie !

La passionaria en bonnet poursuivait, effigie de douleur déclamant avec force effets de manches :

- Les suppôts de l’art mercantile ont bassement soudoyé nos muses !
Le marchand Lamalteuse fronçait du sourcil. Peut-être n’appréciait-il guère le haro sur les motivations financières du mécénat.

Mais la harangue continuait, échauffant progressivement la salle :

- Les Compagnons du Finaud Gousier - honni soit leur nom ! – laissent lâchement miroiter de vains artifices ! Refusons ces iniques manœuvres, etc.

La Doyenne, embusquée sur sa chaise haute, auscultait la salle de sous ses paupières mi-closes. Lorsque l’indignation latente commença à s’exprimer sous forme de quolibets et d’imprécations à l’encontre des Compagnons du Finaud Gousier, elle prit la parole :

- Joyeux Chevaliers ! Vous mesurez pleinement la menace, je le vois. Notre consistoire, après avoir mûrement débattu, a résolu d’engager une réforme à la hauteur du péril ! Nous vous écoutons !

.oOo.

A suivre...
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